Yves Bouvier et ses ports-francs dans la ligne de mire des députés européens

Yves Bouvier et ses ports-francs inquiètent les députés européens. Le problème vient d’être à nouveau soulevé par La Lettre de l’Expansion. Cet hebdomadaire, lu par les décideurs politiques et économiques, tire encore une fois la sonnette d’alarme au sujet du Freeport Luxembourg, un dépôt hautement sécurisé et dangereusement opaque, créé par Yves Bouvier, un marchand d’art à la réputation sulfureuse. Jean-Claude Juncker semble fermer les yeux sur ce problème et la fin de sa présidence à la tête de la Commission européenne aura été particulièrement marquée par ce scandale.

Un port-franc est une zone qui n’est pas soumise aux droits de douanes et qui sert d’entrepôt à des marchandises de toute sorte, ce qui le rend propice à la fraude, à l’évasion fiscale, voire au financement du terrorisme. Les ports-francs ne datent pas d’hier et sont utilisés partout dans le monde. Pendant longtemps, sa capacité de stockage a servi au transit de biens, comme les céréales, ou d’autres marchandises transportées en vrac, afin d’éviter à leurs propriétaires de payer des taxes dans chaque pays de transit.

Certains hommes d’affaires astucieux, comme Yves Bouvier, ont eu l’idée d’entreposer dans ces lieux des toiles de maîtres, des pierres précieuses et des vins prestigieux. A ce stade, il ne s’agit plus de transit : des objets, valant des millions d’euros, sont conservés, achetés, revendus, entre ses murs, sur plusieurs années, sans laisser de trace, et ces transactions sont exonérées d’impôt. Les ports francs sont également utilisés pour dissimuler des objets appartenant au patrimoine culturel mondial, volés dans des zones de combats. Des artefacts ont été découverts dans le port-franc de Genève, en 2016.

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Yves Bouvier, surnommé par certains le « roi des ports-francs », doit sa notoriété à l’affaire qui l’oppose au milliardaire russe Dmitri Rybolovlev. Pendant dix ans, Bouvier a été le marchand d’art personnel de ce dernier et lui a vendu 38 tableaux de maîtres. Ce n’est qu’en 2014 que Rybolovlev a découvert que Bouvier se faisait des marges extrêmement importantes sur chaque transaction : Rybolovlev l’accuse de lui avoir soutiré au total une somme avoisinant le milliard de dollars. Dmitri Rybolovlev a saisi la justice, dans plusieurs pays, pour porter plainte contre le marchand d’art suisse, ainsi que contre Sotheby’s, maison de vente aux enchères qui s’est impliquée dans un tiers de ces transactions. Samuel Valette, le vice-président de Sotheby’s en charge des ventes privées, est un ami de longue date et un partenaire commercial de Bouvier.

Les profits ainsi obtenus semblent avoir été utilisés par Bouvier pour édifier son empire des ports-francs. Avant 2017, il a été le locataire principal et l’actionnaire minoritaire du Freeport de Genève. Mais après l’éclatement de l’affaire Bouvier et le durcissement des politiques de lutte contre la fraude, il s’est désengagé du port et a même revendu son entreprise familiale, Natural Le Coultre. Parallèlement, il inaugure des ports-francs à Singapour (2009) et au Luxembourg (2014), selon la formule qui avait si bien marché à Genève. Le soutien de la part des hauts fonctionnaires locaux étant crucial dans ce type d’acquisitions.

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Ce soutien a attiré l’attention des députés européens. Le projet du Freeport Luxembourg, présenté par Bouvier, a été avalisé par Jean-Claude Juncker, à l’époque Premier ministre luxembourgeois. Les anciens partenaires de coalition de ce dernier, Jeannot Krecké et Robert Goebbels, ont même eu des intérêts économiques dans le Freeport Luxembourg. C’est pourquoi au début du mois de janvier, le député européen Wolf Klinz a adressé une lettre à Jean-Claude Juncker qui évoque les risques générés par le port franc et qui invite le président de la Commission à s’occuper des « angles morts » de ce dispositif.

Cependant, la Commission européenne a balayé les arguments du député. Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, a répondu à Klinz par “un courrier très embarrassé”, selon La Lettre de l’Expansion. En faisant valoir la « simplification des opérations commerciales » obtenue grâce aux ports-francs, Pierre Moscovici a insisté sur l’ « absence de preuves démontrant que les zones franches au sein de l’UE seraient systématiquement utilisées pour des fraudes ». Pour Klinz pourtant, « même si elles ne sont pas utilisées systématiquement, elles peuvent l’être de manière intermittente ».

Pour régler le problème de l’opacité des ports-francs d’Yves Bouvier, il faudra manifestement attendre le renouvellement de la Commission européenne.

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