Pourquoi le documentaire Hold Up fait polémique ?

Le documentaire Hold-Up créé et produit par Pierre Barnérias et Christophe Cossé est diffusé en ligne depuis le 11 novembre, et fait couler beaucoup d’encre. Dénonçant les mesures prises par le gouvernement et les origines du coronavirus, il fait intervenir les témoignages de certains invités pour appuyer ses propos. Toutefois, il fait énormément polémique, et son réalisateur est passible de certaines poursuites judiciaires pour diffamation. Décryptage. 

Le documentaire Hold Up : que des mensonges ?

Le documentaire part à la rencontre de soignants, politiciens, experts, juristes, chercheurs permettant d’offrir une certaine lecture de la crise provoquée par l’épidémie de coronavirus. Toutefois, cette lecture est biaisée, puisque le propos du documentaire est de dénoncer les mesures gouvernementales, sans mise en perspective.

Le documentaire défend la thèse d’une manipulation mondiale. Le coronavirus aurait été créé de toute pièce en laboratoire à partir d’une séquence de génome de la malaria, pour permettre aux états d’assouvir la population. Il reprend ainsi certaines allégations qui avaient été faites par des conspirationnistes au sujet de l’Institut Pasteur, accusé d’être à l’origine du virus. L’Institut a d’ailleurs porté plainte pour diffamation contre le réalisateur du film, ce qui a poussé le producteur Christophe Cossé à limiter la portée véridique du documentaire à l’occasion d’un échange avec Franceinfo : « Ce n’est qu’un documentaire » et il « ne prétend avoir une vérité ».

Ce documentaire remet également en cause le bien-fondé du confinement, jugeant qu’il n’a pas permis de limiter les contaminations ou les hospitalisations, ni même les morts. C’est un propos qui a particulièrement scandalisé une grande partie des professionnels de la santé, s’accordant à dire que ces mesures avaient à l’inverse permis de limiter le nombre de ces effets, et que ça aurait pu être bien pire encore.

Pourquoi un tel documentaire est-il dangereux ?

Ce documentaire est dangereux car il se revendique comme un documentaire journalistique et reprend à cet effet, les codes propres à ce domaine. Toutefois, contrairement à un véritable travail journalistique, il n’offre aucun croisement des sources ou des points de vue différents. Il n’est pas possible d’y observer de contre-discours. Les morceaux de discours empruntés aux personnes interrogées, dont certaines font figure d’autorité par leur fonction, sont sélectionnés et coupés de façon à appuyer le propos complotiste.

Le choix d’interroger des personnes jouissant d’une certaine réputation, crédibilise le propos et crée donc de la confusion dans l’esprit des spectateurs. Il n’y a qu’une seule direction vers laquelle tend le documentaire : discréditer les mesures gouvernementales et dénoncer le creusement des inégalités sociales.

Ce qui est donc dangereux, c’est d’obstruer l’esprit des spectateurs et de ne pas leur donner le moyen de se construire une critique réflexive. Cela s’apparente à de la propagande conspirationniste à grande échelle. Les producteurs ont pris soin de rendre accessible le film gratuitement et de le multiplier sur tous les médias et les plateformes de streaming possibles pour toucher le plus grand nombre.

Un nid de fake news pour les complotistes ?

Ilana Cicurel, Députée européenne, porte-parole de LREM, qualifie le documentaire de « cas d’école de la production complotiste » et y consacre même un Facebook Live, ce qui donne la couleur. Elle martèle son propos comparant le complotisme à un virus qui touche les médias sociaux sur le plateau de CNEWS, et dénonce certaines interventions, notamment celle ce Pascal Praud appartenant à la chaîne CNEWS, qui a accepté l’invitation du producteur du documentaire.

Le documentaire énonce que ce virus servirait à légitimer la construction de camps d’internement au Canada afin d’y enfermer les malades, et présente une vidéo preuve à l’appui. En fait, il étaye les propos tenus de la part du député indépendant, Randy Hillier, ayant posé une question à l’occasion d’une assemblée en Ontario, et ayant diffusé de fausses informations auprès de ses électeurs.

Une grande partie des propos tenus au cours du documentaire ont été démentis par des sources officielles. On ne présentera pas tous les éléments servant la théorie du complot. Toutefois, de nombreux articles traitent du sujet, et déconstruisent point par point les fausses informations.

Ces nombreuses célébrités à l’avoir partagé

Le documentaire Hold Up s’ouvre sur une phrase de Michael Levitt, biophysicien, Chimiste & Prix Nobel de Chimie : « Je pense que vous pouvez pardonner un confinement. Deux, c’est beaucoup plus difficile ». S’ensuit une série d’interventions d’experts, scientifiques, juristes interrogeant la gestion de l’épidémie, et révélant progressivement une machination politique.

Certaines personnalités connues comme l’ancien ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, interviennent au cours du documentaire. Toutefois l’ancien ministre s’est dit scandalisé par le documentaire, et s’en est désolidarisé dans un tweet. Il estime avoir été piégé, car le documentaire lui a été présenté comme une simple enquête sur l’épidémie de coronavirus, et non une dénonciation de la gestion de crise.

D’autres personnalités font débat même au sein de leur milieu. C’est le cas du professeur Christian Perronne, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, et fervent défenseur de Didier Raoult. Personnage très controversé, il a récemment été démis de ses fonctions de vice-président et de président du Conseil scientifique de la Fédération françaises contre les maladies vectorielles à tiques.

La sociologue Monique Pinçot-Charlot, connue pour ses travaux sur les inégalités sociales et pour être une mélenchoniste dans l’âme, a également livré son point de vue dans le documentaire. Elle se prête à une comparaison malvenue avec la seconde guerre mondiale, décrivant la situation de troisième guerre mondiale entre les riches et non-riches, en parlant d’holocauste contre les pauvres. C’était l’occasion rêvée de discréditer une fois de plus le gouvernement Macron, qu’elle accuse d’être au service du capitalisme et de l’oligarchie. Il faut rappeler que ses travaux scientifiques sont controversés, et que beaucoup de reproches leur ont été allégué. Julien Darmon, professeur à Sciences Po Paris, leur a notamment reprochés de ne pas faire preuve de méthodologie et d’être frauduleux. Nicolas Lecaussin, Directeur de l’Institut de recherches économiques et fiscales, a également décrit les travaux de cette sociologue comme teintés de militantisme biaisant leur propos. On ne va pas énumérer tous les détracteurs de la sociologue, mais les quelques-uns que l’on a cités, montrent qu’il n’y aucun consensus vis-à-vis de la personnalité.