Journal du désespoir est le premier roman de Marc Desaubliaux qu’il a écrit à l’âge de vingt-six ans. Il résonne comme le cri de désespoir d’un adolescent en manque d’amour qui ne se reconnaît pas dans les valeurs familiales. Roman d’introspection porté par le genre du journal intime, le livre est touchant.
Résumé de l’œuvre
Charles-Henri est un adolescent issu d’une famille bourgeoise traditionnelle implantée à Paris. Il est habitué à passer certaines vacances chez son grand-père dans une belle et noble ferme d’Île-de-France surnommée « Glycines », afin de passer un peu de temps avec ses trois cousins Olivier, Frédéric et Jean-Christophe avec lesquels il s’entend plus ou moins bien. Adolescent triste et solitaire, il est plutôt incompris par sa famille. Sa seule éclaircie est son plus jeune cousin Jean-Christophe qu’il considère comme son confident et son meilleur ami. Porté par l’affection de son cousin à son égard, il trouve le courage d’essayer de retisser les liens avec sa famille. Néanmoins, un drame se produit, perturbant ses projets.
Un bilan satirique de la bourgeoisie traditionnelle
Journal du désespoir se dresse comme un bilan sociétal par les yeux de Charles-Henri.
L’ombre de mai 68 plane encore au-dessus de cette campagne morne et triste, berceau de la bourgeoisie. En entrefilet, on comprend que cette période est mal vue par la famille de Charles-Henri. Dès que dernier exprime une once d’admiration pour les valeurs et les idées de mai 68, il est immédiatement moqué et traité de bolchévique.
Plus généralement la bourgeoisie traditionnelle est montrée comme protégée et tranquille, éloignée de tous les problèmes agitant la société. Elle est également présentée comme radicale et peu nuancée vis-à-vis de ceux qui s’éloignent de ses valeurs.
Le portrait d’une adolescence tourmentée
Charles-Henri a le sentiment d’être incompris et rejeté en raison de son éloignement par rapport aux valeurs et schémas de pensée de sa famille. Ses parents peu aimants et très distants n’arrangent rien du tout. Aussi bien à Paris que chez son grand-père, il ne trouve aucun répit. Ce manque d’amour de la part de sa famille ainsi que la communication coupée entre eux le poussent à se muer dans la solitude, ce qui est un moyen de se protéger du rejet dont il fait l’objet.
Ses tourments, sa colère, son désespoir, il les couche sur papier. C’est le seul moyen qu’il a trouvé pour se soulager de ses maux, même si ceux-ci le guettent à chaque désaccord et accident. Le thème universel des tourments de l’adolescence est ainsi présent dans Journal du désespoir, même s’il est toutefois important d’en avoir une approche historique, puisque ces tourments sont aussi l’expression d’une opposition forte entre des valeurs de pensée différentes par rapport à mai 68.
Le journal intime : une forme littéraire appuyant l’introspection du personnage
Le journal intime est d’abord une écriture ordinaire, à la portée de tous. Prise directement sur l’instant, il est dénué de tout exercice stylistique complexe à flaubertienne. Il n’est nulle question pour Marc Desaubliaux de faire passer chacune de ses phrases à l’épreuve du « gueuloir ». Le journal intime ne vise pas à séduire un lecteur, puisqu’il est avant tout destiné à extérioriser les sentiments de celui qui l’écrit et n’a pas vocation à être lu par d’autres personnes que lui.
L’intérêt de pareille forme est qu’elle permet de mieux rentrer dans la tête du personnage, et dans la finesse et la complexité de ses sentiments. Propice à l’empathie, ce style se prête extrêmement bien aux propos de Marc Desaubliaux qui veut montrer une société partagée entre différentes valeurs. Le lecteur peut n’éprouver que de l’empathie vis-à-vis de Charles-Henri, première victime de cet antagonisme sociétal.
D’emblée, le lecteur est invité à se mettre du côté du rejeté pour mieux comprendre sa pensée. Ce n’est pas forcément une expérience agréable, surtout lorsque lecteur fait preuve d’empathie vis-à-vis du personnage comme c’est le cas présent. Néanmoins, c’est un moyen de mieux s’immerger aussi dans le livre.
En conclusion, Journal du désespoir alpague le lecteur. Assez court, il se lit rapidement tout en étant émotionnellement chargé. Il pose également les bases du style de Marc Desaubliaux, dont l’œuvre marque un attrait assez net pour l’introspection et la simplicité littéraire.