Les films de Stars

« Je veux être réalisateur ! ». Si on vous répond cela quand vous demandez à quelqu’un ce qu’il fait dans la vie, c’est que vous êtes à Hollywood. C’est la blague la plus récurrente et la plus vieille du milieu puisqu’elle synthétise clairement l’ambition universelle des gens qui se lancent dans le cinéma par passion. Les acteurs n’échappent évidemment pas à la règle d’autant qu’ils sont aux premières loges de la confection cinématographique, même si ceux qui ont pu passer derrière la caméra avant les années 70 sont rares. Il s’agit pourtant d’une tradition qui remonte aux débuts du cinéma, quand Charlie Chaplin réalisait lui-même les films dans lesquels il apparaissait sous le costume de Charlot, ou quand Eric Von Stroheim et Orson Welles menaient les deux carrières de front. Beaucoup d’acteurs ont franchi le pas depuis, de Marlon Brando (La Vengeance aux deux visages) à Robert de Niro (le récent Raisons d’Etat), en passant par Jean-Louis Trintignant, Jack Nicholson, Warren Beatty, Robert Redford, Sidney Poitier, Alain Delon, Burt Reynolds, Jodie Foster, Paul Newman, Gérard Depardieu, Gérard Jugnot, Tim Robbins, Michel Blanc, Nicole Garcia, Johnny Depp“>Johnny Depp, Denzel Washington, Ben Stiller, George Clooney et bien d’autres encore… La sortie de Gone Baby Gone nous permet de faire un petit tour d’horizon de certaines des réalisations de stars qui ont le plus marqué le public.

LA NUIT DU CHASSEUR de Charles Laughton (1955)

Quelques années avant sa mort, l’acteur anglais Charles Laughton, connu pour ses rôles dans Les révoltés du Bounty, Notre-dame de Paris et Spartacus, passe derrière la caméra pour sa seule et unique réalisation avec La Nuit du Chasseur. Coup d’essai, coup de maître puisque ce film noir offre à Robert Mitchum l’un de ses rôles les plus célèbres, celui du dangereux pasteur Powell, qui part à la recherche du butin de son compagnon de cellule une fois que celui-ci est exécuté. Seuls les enfants de ce dernier savent ou se trouvent l’argent, et le pasteur va tout faire pour les approcher, quitte à épouser leur mère pour pouvoir les menacer physiquement. Photographie en noir et blanc somptueuse, interprétation charismatique et inquiétante de Mitchum, parfait en méchant sadique, et métaphore sur la perte de l’innocence sont les points forts de ce premier film maîtrisé de bout en bout.

ALAMO de John Wayne (1960)

Quand la plus grande star du moment passe à la réalisation, elle est forcément attendue au tournant : ce fut le cas de John Wayne quand il se lance dans l’aventure de Alamo, sa première réalisation, en 1960. Le film connaît plusieurs retards du à des problèmes de logistique et la star connaît la plus grosse pression de sa carrière, allant même jusqu’à financer une partie du film de sa poche. Difficile de parler de réussite éclatante en parlant du film, qui s’évertue à relater la résistance des soldats du fameux fort texan sous un angle patriotique, si ce n’est que le Duke assure tout de même un beau spectacle. Le film connaîtra un certain succès dans le monde entier, mais endettera John Wayne, qui devra accepter plusieurs projets comme Le Jour le plus long (où il ne tourne que quatre jours) pour se refaire une santé financière. Il ne repassera à la réalisation qu’une seule fois avec le très controversé Les Bérets verts en 1968, qui dépeint la guerre du Vietnam sous un angle favorable.

EASY RIDER de Dennis Hopper (1969)

Acteur de second rôle qui tourne dans plusieurs westerns, Dennis Hopper se crée sa propre légende cinématographique en passant derrière la caméra pour la première fois avec Easy Rider, l’histoire de deux motards libertaires qui sillonnent les Etats-Unis, rejetés par tous. Trip totalement inexplicable et pourtant analysé à outrance, le film parle au jeune public qui se déplace en masses et en fait un triomphe au box-office. Easy Rider rentre ainsi dans l’histoire en étant totalement synchrone avec une époque spécifique, mais surtout en brisant plusieurs règles hollywoodiennes et en démontrant que le public américain est désormais prêt à de nouvelles expériences cinématographiques. Même s’il poursuit une carrière de réalisateur avec quelques films réussis comme Colors et Hot Spot, Dennis Hopper ne parviendra jamais à retrouver la même aura dans sa carrière, que ce soit devant comme derrière la caméra.

UNE FEMME SOUS INFLUENCE de John Cassavetes (1974)

Acteur chez les autres, y compris dans des blockbusters comme Les Douze Salopards et Rosemary’s Baby, John Cassavetes est considéré comme le pape du cinéma indépendant américain en passant derrière les caméras. Ses œuvres personnelles et fragiles comme Faces, Husbands ou encore Meurtre d’un bookmaker chinois ont fait le tour du monde, mais c’est vraiment Une femme sous influence qui le consacre. L’acteur y dirige sa femme Gena Rowlands dans un rôle magnifique, celui d’une femme dont la folie représente le centre névralgique de sa famille, ce que son mari (interprété par Peter « Colombo » Falk) découvre quand il décide de la faire interner. Le film, lui-même sous influence du cinéma vérité, est nominé pour deux oscars majeurs, celui de la meilleure actrice et du meilleur réalisateur et reste à ce jour l’œuvre la plus juste et la plus aboutie de Cassavetes.

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LA GUERRE DES ROSE de Danny DeVito (1989)

Acteur comique capable d’intérioriser ses rôles avec une très grande subtilité (comme on a pu le voir dans Vol au dessus d’un nid de coucou et Batman le défi), Danny DeVito se passionne rapidement pour la réalisation, puisqu’il tente déjà l’expérience en mettant en scène quelques épisodes de séries télés avant de sauter le pas et réaliser Balance maman hors du train, monument de cruauté qu’il égalera rapidement avec La Guerre des Rose, qui raconte le divorce plutôt violent et cruel du couple interprété par Michael Douglas et Kathleen Turner, qui n’en finissent pas de se faire les pires coups bas. Le film est féroce mais très drôle et détonne clairement des comédies habituelles dans lesquelles DeVito se plaît à faire le zouave (comme Jumeaux ou Junior). Un brin d’inventivité dans la mise en scène et une interprétation jouissive de la part des stars finissent par emporter l’adhésion et faire du film un véritable succès populaire inattendu mais amplement mérité.

DANSE AVEC LES LOUPS de Kevin Costner (1990)

Lorsqu’il se lance dans l’aventure de la réalisation en 1990, Kevin Costner ne choisit pas la facilité en adaptant le roman fleuve de Michael Blake. Grand amoureux des westerns de son enfance, l’acteur de Sens Unique et Les Incorruptibles relève cependant le défi haut la main avec cette adaptation fleuve qui va devenir le première véritable phénomène cinématographique des années 90. Danse avec les loups change la donne à Hollywood, qui ne croyait plus au mythe du grand ouest, ni même aux films épiques d’une certaine durée. Le film cartonne partout dans le monde et remporte plusieurs statuettes aux Oscars, notamment celle du meilleur réalisateur, du meilleur score musical et du meilleur film. Kevin Costner attendra sept ans avant de se repasser derrière la caméra avec Postman, un film qui sera injustement boudé par la critique et le public.

NEW JACK CITY de Mario Van Peebles (1991)

Acteur de série B (on l’a vu dans Les Dents de la mer 4 et Highlander III) et fils du grand Melvin Van Peebles, Mario Van Peebles frappe un grand coup quand il passe derrière la caméra pour réaliser New Jack City, polar new-yorkais racontant l’ascension de Nino Brown, une nouvelle sorte de parrain du crime qui laisse la police locale sur le carreau. Le film révèle le charisme de Wesley Snipes dans le rôle du gangster à abattre, familiarise les cinéphiles avec les bande-son rap et surtout rapporte la modique somme de 50 millions de dollars au box-office, un record à l’époque pour un film réalisé par un noir. New Jack City ouvre alors un peu plus les portes d’Hollywood aux réalisateurs noirs et permet à Mario Van Peebles de s’offrir une carrière de réalisateur qui ne fera plus vraiment d’étincelles, malgré quelques certains grands sujets traités, comme celui des Black Panthers.

THE INDIAN RUNNER de Sean Penn (1991)

Avant de passer à la réalisation, Sean Penn est considéré au mieux comme un acteur de la méthode brillant mais incontrôlable (il vit intensément ses rôles dans Outrages et Colors), au pire comme un agitateur pour tabloïds (son divorce avec Madonna fait les choux gras de la presse People). Sa première réalisation, The Indian Runner, met les choses à plat et révèle enfin sa facette la plus évidente, sa sensibilité pour les âmes en peine et pour les tragédies familiales inextricables. Très cru et très réaliste, le film raconte la relation difficile entre deux frères que tout oppose et s’offre un casting habité qui révèle les talents de Viggo Mortensen, David Morse, Valeria Golino et Patricia Arquette, tous chapeauté par un Charles Bronson méconnaissable, touchant et juste en patriarche dépassé par les évènements. Un superbe film qui révèle de plus un grand auteur.

IMPITOYABLE de Clint Eastwood (1992)

Réalisateur depuis 1971, la star Clint Eastwood devra attendre plus de vingt ans, et le superbe Impitoyable, pour être enfin consacré par Hollywood. Avec quatre oscars en poche, dont ceux du meilleur réalisateur et du meilleur film, Impitoyable assoit un peu plus la légende de Eastwood et change la perception du public, qui ne le voit plus seulement comme L’Homme sans nom ou L’inspecteur Harry, mais également comme un grand auteur de cinéma, déjà réalisateur de plusieurs classiques instantanés tels que Josey Wales Hors la loi, Honkytonk Man, Bird, Sur la route de Madison, Un Monde parfait, Mystic River ou encore Million Dollar Baby. Comme Danse avec les loups, le film permet d’ailleurs de relancer, même brièvement, la mode du western tout en s’imposant comme le nouveau maître étalon du genre, même en passant après John Ford, Howard Hawks et Sergio Leone. Très fort.

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BRAVEHEART de Mel Gibson (1995)

Amuseur public de la série des Arme Fatale, icône du cinéma violent par son rôle dans la série des Mad Max ou encore star romantique dans des films comme Tequila Sunrise, Forever Young et Ce que veulent les femmes, Mel Gibson passe à la réalisation avec l’anodin L’Homme sans visage en 1993. Deux ans plus tard, il surprend son monde avec Braveheart, qui reprend librement la légende de William Wallace, l’homme qui unifia les peuples d’Ecosse pour les mener à renverser le joug de l’occupant anglais. Barbare et flamboyant, le film soulève un peu plus la polémique sur l’homophobie de Mel Gibson (qui représente certains anglais comme des « folles ») mais met tout le monde d’accord sur ses capacités à réaliser une grande fresque épique. L’acteur continuera sa carrière devant la caméra avant de réaliser le très polémique La Passion du Christ, qui va briser plusieurs records au box-office, puis le très réussi Apocalypto sorti au début de l’année 2007.

LOOKING FOR RICHARD de Al Pacino (1996)

Souvent considéré comme l’un des meilleurs acteurs au monde, Al Pacino passe derrière la caméra pour démontrer son amour pour Shakespeare, et notamment Richard III. Avec Looking for Richard, il s’offre le rôle principal et dirige des acteurs reconnus tels que Alec Baldwin, Kevin Spacey et Winona Ryder en montrant d’abord le processus des répétitions et ensuite la mise en condition. En cela, on peut clairement dire que malgré le fait que le film soit un documentaire mettant en avant certains aspects du métier d’acteur, il reste avant tout une œuvre très personnelle puisque Pacino y parle avant tout de ce qui conditionne sa vie et sa passion. Looking for Richard est donc passionnant à suivre, même s’il n’aura pas poussé la star à retenter l’expérience de la réalisation sur une fiction.

CRAZY KUNG-FU de Stephen Chow (2004)

Superstar de la comédie de Hong Kong, Stephen Chow passe à la réalisation dès 1994, en se concentrant exclusivement sur des films le mettant en vedette, tels que Bons Baisers de Pékin, Le Roi Singe, God of Cockery ou encore King of Comedy. En 2001, il se révèle pourtant avec le succès international de Shaolin Soccer, comédie absolument hilarante dans laquelle il mêle football et arts martiaux avec une inventivité visuelle sans cesse renouvelée par des effets spéciaux étonnants pour un film de Hong Kong. Enorme fan de Bruce Lee, Stephen Chow pousse la logique de la réalisation numérique encore plus loin avec son film suivant, Crazy Kung-Fu, dans lequel il incarne un jeune voyou qui va prendre la défense d’un petit village attaqué par des gangsters et révéler ainsi des talents insoupçonnés en matière d’arts martiaux. Totalement déjanté et jouissif, Crazy Kung-Fu devient rapidement le plus grand succès du cinéma de Hong Kong et traverse les frontières sans problème grâce à un sens du gag inouï et une tenue visuelle renversante. Magistral !

TROIS ENTERREMENTS de Tommy Lee Jones (2005)

L’acteur Tommy Lee Jones a déjà connu les affres de la réalisation en mettant en scène un téléfilm anodin en 1994. Dix ans plus tard, le voilà qui revient derrière la caméra pour mettre en scène une ode à son Texas natal avec Trois enterrements, écrit par Guillermo Arriaga, scénariste attitré de Alejandro Gonzalez Iňārritu (Amours Chiennes, Babel). Le film raconte la ballade au-delà de la frontière d’un cow-boy vieillissant qui chercher à tenir sa promesse en enterrant son ami récemment décédé dans son village natal au Mexique. Ce faisant, il en profite pour y emmener son meurtrier afin de lui faire ressentir les conséquences de son geste. Superbe fresque crépusculaire sur l’amitié et sur la culture spécifique du Texas, Trois Enterrements impressionne par sa maîtrise et sa capacité à émouvoir le spectateur sans jouer sur le sentimentalisme de rigueur. Gageons qu’après cette réussite, Tommy Lee Jones n’attendra pas dix ans avant de repasser derrière la caméra.

ROCKY BALBOA de Sylvester Stallone (2006)

Plus personne ne misait un seul sou sur lui, et pourtant, Sylvester Stallone revient magistralement sur le devant de la scène avec Rocky Balboa, sixième et dernier film de la saga qui a fait de lui une star internationale. Pour mener ce projet à bien, Sly repasse derrière la caméra pour la première fois en vingt ans (son dernier film était Rocky IV !) et abandonne toutes ses expérimentations datées pour foncer dans le vif du sujet et raconter la vieillesse d’un boxeur qui n’estime pas avoir encore connu sa véritable heure de gloire. Drame intimiste sur le veuvage, Rocky Balboa inscrit son personnage principal dans la légende autant qu’il émeut les spectateurs sans forcément tirer sur la corde de la nostalgie à outrance. Après autant d’années d’errance, Stallone livre au passage sa meilleure performance depuis Copland et signe probablement l’un des films d’acteurs les plus sincères et personnels de ces dernières années. Une réussite émouvante.

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