La disparition d’un journaliste de Khashoggi pourrait coûter son trône à Mohamed Bin Salman

La disparition de Jamal Khashoggi au consulat saoudien a provoqué un tremblement de terre interne dans le dôme de la maison royale à Riyad. Les plans de réforme économique et d’ouverture sociale menés par Mohamed Bin Salman (MBS) sont en grave danger et le prince héritier lui-même est devenu la plus grande menace pour leur succès. Cet homme de 33 ans, qui dirige le pays d’une main de fer depuis janvier 2015, est également le principal suspect dans l’assassinat du journaliste, ce qui a amené son père, le roi Shalman, âgé de 82 ans, atteint de la maladie d’Alzheimer, à agir. Au milieu du silence officiel, le monarque a pris une décision qui a même encouragé les rumeurs dans la presse arabe à propos d’une éventuelle substitution dans la ligne de succession après avoir ordonné à un autre de ses fils, Khaled Bin Salman, 30 ans et actuel ambassadeur aux Etats-Unis, de retourner à Riyad.

Khaled Bin Salman a été l’une des rares voix officielles à se référer à l’affaire Khashoggi. Il l’a fait dans les premiers jours pour défendre la position officielle saoudienne selon laquelle le journaliste avait quitté le consulat, une version à laquelle peu de gens croient après plus de deux semaines où les fuites faites par des sources turques aux médias renforcent l’hypothèse qu’il a été sauvagement assassiné.

L’agence Reuters a consulté plusieurs sources proches de la maison royale qui, sous couvert d’anonymat, ont confirmé que le roi « a dû prendre les rênes du dossier ». Une source a expliqué que « bien que MBS ait voulu éloigner l’affaire du roi, elle n’a pas pu le faire parce que l’histoire de la disparition du journaliste se trouvait sur toutes les chaînes arabes et saoudiennes vues par le roi. Ainsi, « le roi a commencé à demander à ses conseillers » et finalement c’est son fils qui lui a demandé de l’aide « quand l’affaire s’est transformée en crise mondiale ».

Recherche dans une forêt

Les turbulences dans la maison royale saoudienne sont accentuées alors qu’à Istanbul, les employés turcs du consulat ont dû aller témoigner devant le bureau du procureur, une nouvelle étape dans une enquête qui cette semaine a été axée sur les fouilles du bâtiment et de la résidence voisine du consul. Au total, 15 membres du personnel du consulat ont été interrogés, selon NTV television. Les chercheurs ont étendu la recherche de preuves à la forêt de Belgrade, sur la côte européenne de la ville où Khashoggi a disparu le 2 octobre.

Après avoir analysé les rapports du secrétaire d’Etat Mike Pompeo, qui s’est rendu à Riyad et à Ankara, Donald Trump a admis pour la première fois que le journaliste « semble » mort et a averti des conséquences « très graves » pour l’Arabie saoudite s’il était prouvé qu’il est responsable. Le président a demandé à la Turquie de remettre à son pays les enregistrements sonores qui, selon des sources anonymes proches de l’enquête, enregistrent l’interrogatoire, la torture et le démembrement de Khashoggi, mais le ministre des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a déclaré qu’aucun matériel n’a été remis « ni à Pompeo, ni à aucun autre fonctionnaire américain ».

Le voyage du secrétaire d’État a également joué un rôle clé dans l’annonce faite par le ministre des finances Steven Mnuchin de ne pas assister à la conférence de la semaine prochaine à Riyad sur l’initiative Future Investment Initiative, que les médias ont qualifiée de « Davos of the Desert. La peur de Mnuchin s’ajoute à celle des ministres de la Grande-Bretagne, de la France et des Pays-Bas, ainsi que de plusieurs dirigeants de certaines des plus importantes entreprises du monde.